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Aider les aidants : Burnout, gratitude et compassion

Le personnel médical et les travailleurs sociaux se trouvent souvent dans des situations très stressantes et émotionnellement pesantes, où ils doivent travailler de longues heures tout en faisant face à des situations difficiles. Il importe de faire preuve de gratitude à leur égard, en pensées, en paroles et en actes, afin que ces personnes se sentent appréciées et soutenues, afin de nourrir leur motivation et de renforcer le lien avec les patients, et avec la communauté citoyenne et de leur redonner courage.

Mais pour que cette gratitude à leur égard ait un sens et ne se réduise pas à de vaines paroles, Il importe en premier lieu de leur donner les moyens de mener à bien leur œuvre qui consiste à remédier aux souffrances d’autrui et d’améliorer leurs conditions de travail afin qu’elles puissent poursuivre leur œuvre sans tomber dans l’épuisement et le burnout.

Les soignants sont quotidiennement confrontés à la souffrance des autres. Quand ils ressentent de l’empathie, ils souffrent de la souffrance de leurs patients. Cette souffrance déclenchée par l’empathie est réelle et les travaux en neurosciences ont montré que les aires cérébrales de la douleur ou de la détresse sont activées. Les patients se succèdant, la charge de souffrance empathique du soignant se renouvelle jour après jours. Dans nombre de cas, le soignant va finir par souffrir d’un burnout. Ses capacités de résistance devant les souffrances de l’autre s’épuisent. Il ne supporte plus cette situation. Ceux qui souffrent de ce type d’épuisement sont souvent contraints d’interrompre leur activité. L’épuisement émotionnel est le sentiment d’être « vidé », « au bout du rouleau », de ne plus avoir en soi l’énergie ou le plaisir nécessaires pour faire face au lendemain. Ceux qui se trouvent dans ce cas réduisent leurs relations personnelles avec les autres.

On parle parfois de fatigue de la compassion. Les travaux de la neuroscientifique Tania Singer, avec qui j’ai longuement collaboré, montrent qu’il est plus juste de parler de fatigue de l’empathie. L’empathie se limite à une résonance affective avec celui qui souffre. Accumulée, elle peut aisément aboutir à l’épuisement et la détresse. Mais l’amour altruiste est un état d’esprit constructif qui aide aussi bien celui qui le ressent que celui qui en est le bénéficiaire. Cultiver la bienveillance peut donc remédier aux difficultés posées par le burnout.

Pour réduire le burnout qui affecte les professionnels de la santé, et ne pas déshumaniser une profession dont l’essence même est l’humanité, il serait utile d’offrir à ceux qui s’y engagent des moyens de développer les qualités intérieures et la résilience dont ils ont besoin pour mieux secourir les autres : les patients se sentiraient mieux entourés et le personnel soignant en retirerait davantage de satisfaction et un meilleur équilibre émotionnel. Mieux encore, en accordant plus d’importance à la compassion, ceux qui conçoivent ou réforment les systèmes de santé seraient enclins à mettre davantage l’accent sur la façon dont on traite les malades que sur la réduction des coûts et la rapidité des soins.

Le burnout se manifeste aussi sous la forme d’une perte du sentiment d’accomplissement personnel et de réalisation de soi, ce qui engendre une impression d’échec. La perte de confiance en soi et en la valeur de ce que l’on a accompli entraîne un profond découragement et, très souvent, des états dépressifs.

En janvier 2023 le comité éthique de la FHF (Fédération hospitalière de France) publie le rapport de l’enquête nationale « Prendre soin des professionnels de santé ». Adressée aux personnels hospitaliers des établissements publics de santé, sociaux et médico-sociaux, cette étude d’envergure révèle qu’une « majorité des professionnels interrogés (80 %) sont fiers de leur métier pour lequel ils reconnaissent un sentiment d’utilité (91 %). Une grande majorité considère également que leur travail génère du stress (89 %). Près de 50 % des répondants affirment qu’ils ne conseilleraient pas leur métier, alors même qu’ils y éprouvent un sentiment de fierté et d’utilité [et] près des trois-quarts des répondants ont “ l’impression d’une transformation majeure de l’exercice de leur métier ” ».

La crise sanitaire a mis en lumière les liens d’interdépendance qui sont au cœur du bon fonctionnement de nos sociétés. Grâce aux capacités de mobilisation et de résilience des professionnels du médical, la continuité des soins a pu être assurée face à l’afflux de patients, malgré le manque de moyens, parfois au détriment de leur propre santé.

Entre objectifs d’efficience (le maximum de santé publique avec les ressources disponibles) et souci d’équité (l’accès de tous aux meilleurs soins possibles) : que pouvons-nous faire pour initier et contribuer au bien-être de celles et ceux qui embrassent la mission de soin ? Comment, à nos échelles individuelles, aider les aidants afin d’éviter l’émergence de nombreux troubles et souffrances ?

Pour sortir de l’ornière des recommandations sans effet, il est indispensable de prendre la pleine mesure des alertes lancées par les acteurs des établissements de santé et d’agir en considération de leurs expériences de travail. S’informer permet de mieux appréhender l’importance de la situation invisibilisée du corps soignant et la nécessité de sa protection.

En tête du classement des critères d’attractivité des métiers du secteur médical figurent : le besoin d’écoute, d’encouragement, de reconnaissance, l’amélioration du cadre professionnel et la revalorisation des salaires.

Patient, accompagnant, proche, pair… Une action simple et efficace que nous pouvons mener à notre échelle est de nous rappeler que l’acte médical trouve sa source dans des personnes qui sont constamment confrontées à la souffrance d’autrui, avec toute la charge émotionnelle que cela comporte, et qui sont fondamentalement présentes pour soulager ces souffrances. Les patients doivent s’efforcer de manifester une reconnaissance active, du respect et de la confiance à l’égard des professionnels du secteur médical.

Un premier geste altruiste et bienveillant est de prendre le temps de nous poser simplement la question, est-ce que j’ai réellement besoin d’aller aux urgences ? La fréquentation des urgences hospitalières recouvre une part importante de passages évitables. Nous pouvons tous individuellement contribuer à faire la différence en prenant quelques minutes pour analyser la situation et déterminer s’il est nécessaire de s’y rendre ou si cela peut attendre une consultation chez le médecin généraliste. Ainsi nous pouvons contribuer à ne pas participer à une surcharge inutile des services déjà sous-tension. Personne ne conteste bien sûr que certaines situations nécessitent une prise en charge d’urgence.

Notre existence, et même notre survie, dépendent étroitement de notre capacité à construire des relations mutuellement bénéfiques avec les autres. Les êtres humains ont un profond besoin de se sentir reliés, de faire confiance et de jouir de la confiance d’autrui, d’aimer et d’être aimés en retour. Les chercheurs ont montré que le fait de se sentir relié aux autres augmente notre bien-être psychologique et notre santé physique, tout en diminuant le risque de dépression. Le sentiment de connexion et d’appartenance à la communauté élargie accroît également l’empathie et favorise les comportements fondés sur la confiance et la coopération. Tout ceci induit un cercle vertueux ou, plus précisément, selon l’expression de l’une des fondatrices de la psychologie positive, Barbara Fredrickson, une « spirale vertueuse » ascendante, puisque la confiance et la disposition à coopérer se renforcent à mesure qu’elles sont partagées.

La qualité du lien social est donc un besoin aussi fondamental que vital. La crise sanitaire et les changements sociétaux liés à l’individualisme ont entraîné une méfiance généralisée et une augmentation des préjugés. Cultiver une qualité relationnelle apaisée met en confiance et redonne une épaisseur humaine à la prise en soin.

Sur 8 séances hebdomadaires de 2 heures, chacune répartie sur 2 mois, soit 16 heures au total, le programme Résilience met à disposition des travailleurs sociaux et du personnel médical, des outils pour développer des capacités de régulation du stress, des émotions et de communication. Des ressources nécessaires pour faire face aux situations de pressions intenses au sein de l’environnement professionnel.

Sources