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Requiem pour la planète

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Matthieu Ricard rencontrera Jane Goodall le 14 décembre 2021 à 19h (heure de Paris), à l’occasion d’une table ronde virtuelle exceptionnelle sur le thème de l’Espoir : un Engagement Nécessaire. Ils aborderont notamment la nécessité d’établir un nouveau contrat social entre les humains et le reste du vivant. Pour y participer, cliquez ici.

En annonçant le communiqué final de la COP 26, son président, Alok Sharma, dû s’interrompre pour contenir ses larmes après avoir dit : « Je suis vraiment désolé et vous présente toutes mes excuses. » L’assemblée se leva pour applaudir les efforts désespérés qu’il déploya, avec tant d’autres, pour convaincre les principaux pollueurs de la planète à modérer les dégâts qu’ils infligent à notre environnement et les souffrances qu’ils imposent par là même aux générations futures. Mais ces derniers restèrent en grande partie sourds aux implorations de ceux qui pâtissent déjà des bouleversements environnementaux. Comment peut-on ne pas être concerné par le sort de ses enfants, petits-enfants et ceux qui les suivront ? Ils diront : « Vous saviez et vous n’avez rien fait. »

Les marchandages et atermoiements des pays les plus pollueurs sont pathétiques. Allez-vous marchander avec le médecin pour qu’il ne donne à votre enfant que la moitié du traitement qui peut le guérir d’une septicémie ? Allez-vous marchander avec le chirurgien pour qu’il n’enlève que la moitié de la tumeur qui menace d’envahir votre corps ?

Un conseiller du ministère saoudien du pétrole a demandé que des phrases telles que « la nécessité d’actions d’atténuation urgentes et accélérées à toutes les échelles… » soient éliminées du rapport. Un haut responsable du gouvernement australien a rejeté la conclusion selon laquelle la fermeture des centrales électriques au charbon est nécessaire, alors que la fin de l’utilisation du charbon est l’un des objectifs déclarés de la COP26.

L’Inde annonça qu’elle visait la neutralité carbone pour …2070. Autrement dit jamais, car entre temps de nombreux bouleversements irréversibles se seront produits. Le charbon est responsable d’environ 40% des émissions annuelles de CO2, ce qui lui confère une place centrale dans les efforts visant à respecter l’objectif de 1,5°C. Pour atteindre cet objectif, les émissions mondiales doivent être réduites de 45% d’ici à 2030 et être quasiment nulles au milieu du siècle.

Le projet de rapport indiquait que « les régimes à base de plantes peuvent réduire les émissions de gaz à effet de serre jusqu’à 50% par rapport au régime alimentaire occidental moyen à forte intensité d’émissions ». Le Brésil et l’Argentine, deux des plus grands producteurs mondiaux de produits à base de viande bovine et de cultures destinées à l’alimentation animale, se sont fermement opposée aux l’inclusion dans le rapport final des preuves qui montrent que la réduction de la consommation de viande est nécessaire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

N’est-il pas absurde que les lobbyistes des industries des combustibles fossiles aient disposé de la plus grande délégation à la COP26 ? Selon une analyse de Global Witness partagée avec la radio BBC, il y a eu plus de délégués à la COP26 associés à l’industrie des combustibles fossiles que de délégués de n’importe quel grand pays : pas moins de 503 personnes ayant des liens avec les intérêts des combustibles fossiles ont été accréditées pour le sommet sur le climat.

Selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), les gouvernements du monde entier dépensent chaque année plus de 420 milliards de dollars (313 milliards de livres sterling) pour subventionner cette énergie non renouvelable, malgré les engagements pris par les pays du G7 à éliminer progressivement les subventions « inefficaces » aux combustibles fossiles d’ici 2025. En comparaison, il est pathétique que les gouvernements mondiaux peinent à fournir 100 milliards pour aider les pays pauvres à développer des énergies renouvelables.

Les subventions aux combustibles fossiles sont des mesures prises par les gouvernements pour faire baisser artificiellement le prix du charbon, du pétrole ou du gaz naturel. Elles incluent les subventions à la production – des allègements fiscaux ou des paiements directs qui réduisent le coût de production des combustibles fossiles, ainsi que les subventions à la consommation – réductions du prix de l’énergie pour les consommateurs, par exemple en fixant des prix fixes dans les stations-service.

Selon Johan Rockström, « Il est encore possible de se stabiliser à un réchauffement de 1,5°C, mais aussi qu’une action mondiale immédiate et radicale est nécessaire pour éviter le risque de points de basculement, notamment des grands systèmes forestiers et de la calotte glaciaire du Groenland. La croissance rapide des émissions de méthane et d’oxyde nitreux nous met sur la voie d’un réchauffement de 2,7°C et les facteurs de basculement climatique entraînent des risques à fort impact. »

Des pointes de température à 50 degrés l’été dans l’hexagone ne seront pas l’exception, mais la règle. Adieu vignobles, adieu bains de soleil (à 50 degrés ? Non merci !), adieu sports d’hiver… Vous n’aimez pas les migrants ? Il faudra vous y faire, car on n’arrête pas des gens qui meurent de faim. En 2050 nous risquons de passer le cap de 200 millions de migrants environnementaux vers les régions qui sont aujourd’hui encore tempérées. Rien à voir avec les quelques millions de migrants qui sont arrivés en Europe ces dernières années.

Pour ce faire, il faut fixer une série d’objectifs contraignants à court terme, que les gouvernements en place doivent accompli durant leur mandat, au lieu de passer le bébé au gouvernement suivant pour ne pas avoir à prendre des mesures sans doute impopulaires dans le moment. Les coûts de l’atténuation du changement climatique sont certainement importants, mais ils sont justifiés par les multiples avantages pour la santé de l’homme et de la nature. Ils sont sans commune mesure avec les coûts économique, humain et environnemental des dégradations en cours. L’avenir ne fait pas mal, du moins pas encore… Mais il va frapper dur.

Il en va donc de notre avenir — pour ceux que cet avenir intéresse — et il est indispensable de réaliser de véritables progrès pour enrayer les “ points de bascules ” avant qu’il ne soit trop tard. Il nous reste au mieux sept-huit ans pour effectuer des changements majeurs et sortir du bla, bla, bla.