Voici un conseil venu droit de mon cœur :
‟ De même que le soleil est nécessaire pour illuminer le ciel, un enfant pour mettre en joie le cœur d’une mère, ou deux ailes à un oiseau pour qu’il puisse voler, la connaissance de la vacuité à elle seule ne suffit pas et doit s’accompagner d’une grande compassion pour tous ceux qui n’ont pas cette expérience de la vacuité, peu importe qu’il s’agisse d’ennemis, d’amis ou d’êtres qui nous sont indifférents. Ancre bien en toi cette compassion qui élimine toute discrimination entre ‟ bons ” et ‟ mauvais ”.
Comprends aussi que cette compassion est le fruit d’un entraînement : tu ne peux t’attendre à ce qu’elle surgisse un beau jour de la vacuité, spontanément.
Exerce-toi maintenant à la compassion jour et nuit, pendant autant d’années qu’il t’a fallu pour comprendre la vacuité. Que ta compassion soit cent fois plus forte que celle d’une mère pour son enfant brûlé vif, d’une intensité presque insoutenable à la pensée de la souffrance de n’importe quel être.
Lorsque tu y seras parvenu, pratique en pensant intensément : ‟ Jusqu’à l’Éveil, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour aider tous les êtres, sans la moindre exception, quelle que soit la façon dont ils se comportent et en dépit de toutes les difficultés que je rencontrerai !”
Qui est vraiment compatissant est un éveillé ;
Qui est sans compassion est le démon de la mort.
Avec la compassion, la racine du Dharma est solidement plantée ;
Sans compassion, elle se décompose.
Qui a la compassion reste bienveillant, même en colère ;
Qui ne l’a pas peut tuer avec le sourire aux lèvres.
Pour le compatissant, même un ennemi devient ami ;
Pour celui qui ne l’est pas, même un ami devient ennemi.
Qui éprouve de la compassion détient tous les enseignements ;
Qui n’en éprouve pas n’en possède aucun.
Qui abrite en son cœur la compassion est un vrai bouddhiste ;
Qui n’en a pas est pire que les impies.
Celui qui contemple la vacuité ne peut se dispenser de la compassion,
Car de cette vacuité elle est le cœur :
Qui avance sur la voie doit être magnanime.
La compassion est la marque du disciple authentique ;
C’est l’essence de tous les enseignements.
La grande compassion est la gemme des souhaits :
Elle comble tous les espoirs, ceux de soi-même comme ceux des autres.
Alors, vous tous, religieux et laïcs,
Cultivez la compassion et vous parviendrez à l’Éveil !
Puissent les hommes et femmes qui entendront ce chant
Être animés d’un grand amour pour tous les êtres
Et œuvrer à leur épanouissement !
Shabkar, autobiographie d’un yogi tibétain, traduit par Matthieu Ricard et Carisse Busquet, Albin Michel, Albin Michel, 1998, Tome 2, p. 218-9.